( extraits) Annie Salager visite inlassablement des formes d’expression, entre poésie, prose et essai, considérant l’écriture par blocs ou architecture massive – le roman historique - avec autant d’intérêt que le polissage de diamants bruts prétextes à sa rêverie. Son dernier recueil consacre son habileté à dessiner d’une encre très pure des motifs compliqués, de prime abord, déconcertants. La façon qu’elle a de composer ne se donne pas facilement au premier venu, elle demande l’adhésion pour peu que son lecteur prenne la peine de considérer le geste écrit motivé par un rendu sensoriel – évanescent - dont chacun d’entre nous est généralement pourvu, et sa propre intelligence.
[...]
la chute du poème dévoile le revers de la lumière et du « désir » - mots-clés pour forcer les serrures -, la face d’une médaille rutilante qu’on agiterait par défi devant le glas funèbre, retournée fatalement comme on détord et considère le tortillon du ruban de Moebius trompeur avec son dehors et son dedans, « le poids du temps / réduit à rien », « l’instant du vivre tient en haleine ». Au-delà du tableau, que ce soit une marine
ou un instantané chatoyant pour les sens, subsistent le sentiment tragique obtenu par voyance, la conscience convaincue que la beauté précieuse reçue en guise de don fugitif précède le viatique du « grand sommeil »
[...]
Avec Travaux de lumière, Annie Salager se situe – au risque de se répéter, pourquoi ne pas rabâcher hormis pour le plaisir d’entendre dégrippés les mécanismes de la vieille dialectique ? - dans le camp du vivant, elle aime la terre qui lui a inculqué ses valeurs, une disposition têtue au bonheur, un art de vivre, une pratique des sports – natation, alpinisme, ski (cf . le très beau poème « Blanche neige » -: « on voit bien qu’évoluer sur la neige répond à un rêve… »), et des exercices de sagesse. C’est cet amour - amour propre, aimer humblement le corps de l’autre et le sien - et cet enseignement qu’elle transmet avec un optimisme et une santé jamais pris en défaut dans la dernière partie « Dépaysages ».
[...]
Arrivée à maturité, Annie Salager prouve encore qu’elle ne s’est jamais trompée de route, qu’elle fraye son chemin dans l’écriture en le débroussaillant, infatigable au quotidien et inspirée à travers ses « travaux ». Et qu’elle déploie constamment ses efforts pour en aménager les accotements et nous protéger contre le vide.
lire l'intégralité de l'article d'Alain Gnemmi sur le blog nancy.aspect.editions