La lumière de Georges Hilaire (à propos de la Lampe tempête)
L’art et la force pour résister
Voici un livre superbe - d’exigence, de colère insoumise, de liberté souveraine. Un livre qui parle de haut – et pas seulement parce-que sa parole jaillit depuis les plateaux de Haute-Loire, les terres de Pradelles - , de loin (il ranime tant de choses qui ne sont plus : justesse des gestes et des façons d’hier…) et de très près, tant son impatience vient bousculer nos lignes d’abandon et d’anesthésie molle.
Ce livre est à la fois une évocation et une profération. D’admirables Géorgiques, ressuscitant une civilisation presque effacée où les mets avaient du goût, les paroles un poids, le « charroi du temps » un sens. Géorgiques sur lesquelles soufflerait une sorte de fureur sacrée – on pense aux grands pamphlets de Bernanos – s’en prenant aux mille et une impostures de ce temps. Les déchiquetant à partir de ce qu’a de désolant cette perte de sens du concret de la présence à des lieux et à une histoire au fil de « la lente méditation séculaire ».
Georges Hilaire fut enseignant. La rage et la passion de transmettre nourrissent sa prose enfiévrée et maîtrisée, au phrasé ample, ferme, dru. Venant de ces siècles d’art de résister (à la misère, aux pluies ou au gel ou aux guerres), qu’avons-nous à donner aujourd’hui comme outils de vie, comme forces du verbe, comme certitudes pour penser et connaître, à ceux qui nous suivent ? Pour autant, Georges Hilaire ne tombe pas dans les pièges de l’écriture pamphlétaire aux colères forcées. Son livre reste un parcours personnel, une errance piétonne, proche des herbages, de la roche, des eaux, des jeunes et des vieux de Pradelles comme des voix de la poésie. Il allume ainsi une puissante lampe tempête pour éclairer ces temps qui s’enténèbrent.
Claude Burgelin