On devrait se méfier quand on croise la route d’un écrivain. Surtout si on exerce un métier à risque, contrôleur des impôts par exemple, et qu’en plus on prétend « contrôler » l’auteur en question. Car celui-ci s’appelant Françoise Rey, l’affaire est bien partie pour perdre, apparemment du moins, tout contrôle. À partir d’une très administrative lettre, d’un prénom et d’une initiale – Marielle F. –, voici que Françoise Rey trousse un bel objet littéraire. À sa Chère Marielle, elle prouve que, si ladite contrôleuse a la loi pour elle, l’auteur, lui, a tous les droits. D’abord faire d’elle une femme de papier, et, non contente de l’avoir couchée sur les lignes dans ses habits de personnage, de tripler la mise. Car le lecteur se trouve en effet aux prises avec trois Marielle, toutes adolescentes plus que compliquées, un pauvre docteur Roy à qui tout cela donne la migraine, une juge Foutu (sic) qui met tout le monde à cran, et bien des péripéties qu’on passera ici sous silence. Sauf peut-être le beau rêve érotique dont, vers la fin, l’auteur gratifie son pauvre médecin parvenu au bout du rouleau : manière de prouver que, si elle aspire à s’affranchir d’une littérature où elle a régné en maîtresse, Françoise Rey n’a pas perdu la main, tenant le crayon avec assurance. Chère Marielle est une pépite drôle et brillante, un éloge du pouvoir des mots, un exercice de vertige, mais aussi une réflexion sur la création, çà et là un brin mélancolique.